Bruno Lapeyre
PHOTOGRAPHIE

Bruno Lapeyre

Par Amélie Pironneau, docteur en histoire de l'art et critique d'art

Première publication : Wall Street International (Meer) | autres parutions : Paris-Art | L’Œil de la Photographie

Bruno Lapeyre arpente les rues, appareil photo en main, comme guidé par lui, jusqu’au moment où, en un instant infinitésimal, il faudra presser sur le déclencheur. Dans l’image sera condensé ce point de rencontre unique d’un instant et du réel.

« La plus grande partie de la vie réellement vécue consiste en détails minuscules, en expériences non communiquées et même incommunicables, que rien n‘enregistre. » (1)

Pour Bruno Lapeyre, la photographie est le moyen de relever ce défi d’enregistrement et de captation des apparences fugitives et éphémères du monde à travers lesquelles se manifeste l’énigme de l’existence. Pour cela, il lui faut donner une représentation directe de la réalité sans recherche du sensationnel qui caractérise l’inflation de l’image dans notre société.

Ce sont précisément les détails, des fragments du réel saisis dans l’espace et le temps qui l’intéressent.

Dans la plupart de ses photographies, il parvient à réduire, voire à supprimer la perspective afin que le regard du spectateur se focalise sur les détails, évitant ainsi une perception hâtive de l’image.

Ce travail est mis en abyme dans une photographie représentant une femme de dos observant de près un tableau au Getty Center. En l’absence de perspective et dans une sorte de suspension du temps, les détails de la robe, du chapeau, des bras de la femme, s’offrent à notre regard, comme le tableau que nous ne voyons pas s’offre au sien, avec une présence particulière.

Bruno Lapeyre photographie les visages, les corps, les individus tels qu’ils sont, saisis dans leur simple présence, dans leurs occupations de la vie quotidienne. Il se dégage de ces photographies une sincérité qui provient de la volonté de l’artiste de se tenir au plus près du réel dans ce qu’il a d’ineffable.

Ce n’est pas un hasard si, dans les clichés où est absente toute présence humaine, ceux-ci tendent vers l’abstraction, à l’instar de la façade vitrée d’un immeuble de bureau ou d’un entrepôt de poubelles. La construction de l’image repose alors sur un jeu de répétition du motif de manière à produire un effet de quadrillage géométrique dans un cas et de saturation de la surface dans l’autre, mis en valeur par la tonalité monochrome.

Là où précédemment l’image était traversée par le mouvement des corps, fait place une représentation figée d’un monde réifié, celui de notre contemporanéité.

Les photographies de Bruno Lapeyre en questionnent les multiples formes.

 


(1) Lewis, C.S, cité par André Chastel dans Fables, formes, figures, Paris, Flammarion, 1978, pp.18-19.

 

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